
Chaque année, c’est le même combat, depuis 22 ans. Le 12 mai, c’est notre journée, pendant laquelle, on a espoir que certaines choses changent. D’une année à l’autre, on se rend compte que finalement on radote… mais la recherche avance, la Timone fait partie des CHU chercheurs et on voit tout de même l’évolution au fil des années.
J’ai été diagnostiquée en 2009 après 3 ans d’errance médicale et à l’époque on m’a proposé de jouer le cobaye, entre autres pour la stimulation transcrânienne. Le protocole n’était pas encore approuvé, ils venaient de découvrir que des petites décharges au niveau de la zone qui gère la douleur, pouvait la remettre un peu en place et du coup faire baisser les douleurs. Je n’avais pas accepté d’être sur cette liste là. J’en ai bénéficié en 2013 à peine. Il a fallu 4 ans pour qu’on sache davantage les effets sur le cerveau et encore elle est limitée à 1 an, parce que les chercheurs américains qui sont les pionniers, on va dire, en la matière, n’ont pas donné leur accord aux chercheurs français de la continuer au-delà de cette durée, parce qu’ils ne savent pas les conséquences sur le cerveau si on dépasse 1 an de stimulation.
La kétamine était faite un peu n’importe comment à l’époque aussi. Ils perfusaient les patientes toutes une après-midi à une dose de cheval, pour les laisser repartir chez elles par leur propre moyen. Avec cette drogue qu’est la kétamine, quand même, dans l’organisme. Beaucoup étaient malades, vomissaient tripes et boyaux, avaient des migraines pas possibles. Maintenant, elle est surveillée de plus près et surtout mieux dosée.
La cryothérapie est née il y a environ 1 an dans le service anti-douleurs où j’ai été en dernier. 10 séances de 2mns dans un froid extrême. Qui coûtent la peau des fesses, surtout qu’il faut le refaire tous les 3 mois pour espérer un résultat efficace sur du long terme… et c’est là qu’on en vient aux plus gros des problèmes.
Le manque de reconnaissance encore à l’heure actuelle. On n’a pas accès à tous les soins qui pourraient nous aider finalement. Avoir droit à un 100% est le parcours du combattant parce que la fibromyalgie ne fait pas partie des maladies de la fameuse liste 1 pour permettre l’ald (affection de longue durée). De mon côté, je l’ai depuis des années, du coup, la plupart de mes soins sont pris en charge. Mais je sais que sur les dossiers de demande d’ald, il faut que le médecin indique que c’est pour « une dépression résultant de douleurs chroniques ». Alors que certaines patientes ne sont pas dépressives, mais qu’elles ont besoin du 100% pour leurs soins en kiné, balnéo, hôpital et tout ce qui fait notre bonheur côté blouses blanches. Et puis le mot « fibromyalgie » est tabou, « douleurs chroniques » passent mieux.
Beaucoup de personnes vivent dans l’incompréhension côté entourage et c’est aussi un combat d’expliquer ce qu’on ressent du coup. De mon côté, même si on a du mal à s’imaginer que j’ai mal dans tout mon corps en permanence, je n’ai jamais eu à me battre pour justifier mon état. Mais c’est le cas de beaucoup. C’est un handicap invisible alors les gens ne se doutent pas de nos difficultés pourtant bien invalidantes. Je me souviens de l’aide à domicile, le dernier que j’ai eu, il me voyait sourire et avenante, à parler avec lui du mieux que je pouvais, on revenait des courses, j’étais en ruines. Il n’avait perçu « que » l’hémiparésie » au moment de marcher et de tenir les articles, mais ne savait pas que je souffrais autant et avait remarqué mes cernes, mais je lui avais dit juste que j’avais mal dormi. Il m’a posé des questions et quand je lui ai dit que j’étais à 9 sur l’échelle de douleurs, il m’a regardé avec de gros yeux, étonné et m’a dit « mais vous ne criez pas, vous ne dites rien, je ne vous ai pas entendu vous plaindre » Je lui ai répondu que si je hurlais de douleur à chaque fois, je n’aurais plus de voix à force de crier et que je ferais fuir tout le quartier… mais qu’est ce que je me suis sentie seule, j’ai réalisé que j’étais seule dans ce corps en miettes… seule à ressentir cette douleur qui ne possède pas toujours de mots et qui pourtant arrache tout en moi au passage et me pousse souvent dans mes derniers retranchements.
Faire comprendre aux autres qu’on n’est plus pareille qu’avant, qu’on est plus réduites, que ce n’est pas parce qu’on n’a pas envie mais parce qu’on ne peut pas tout simplement, c’est aussi un combat du quotidien. Une souffrance en plus, parce qu’on voit les personnes qui étaient amies avec nous s’éloigner, parce qu’il y a mieux à faire ailleurs. Et j’en perds ma valeur… Mais personne ne mesure l’impact de tout çà, physiquement parlant. J’ai envie parfois de crier que je ne mords pas, que je suis toujours la même au fond de moi, qu’on peut toujours se confier à moi comme on le faisait avant et que ce n’est sûrement pas le moment de me laisser tomber. J’ai eu droit à de sacrées phrases de la part de personnes qui ne me connaissaient finalement pas et c’est resté imprimé.
Côté sécurité sociale et mdph, on s’aperçoit que le fonctionnement diffère d’une région à l’autre, on dirait qu’on n’habite pas le même pays, par moments. Allez savoir pourquoi, de mon côté, je n’ai toujours pas compris… Alors la reconnaissance ne serait pas du luxe… Vraiment pas. Par respect pour nous, pour toutes celles qui essaient d’avoir une vie professionnelle malgré tout, en sachant que 75% des personnes fibromyalgiques sont obligées d’arrêter leur travail. Qu’est ce qu’on devient au milieu de tout çà… L’avenir me fait très peur et autant je sais très bien qu’elle n’est pas mortelle physiologiquement parlant, autant je sais aussi à quel point, elle pousse à bout et qu’elle en devient tout aussi mortelle pour le coup…
J’ai fait ce montage pour essayer d’apporter une contribution à cette journée. Une minuscule pierre à l’édifice au milieu d’un océan… Merci de le partager au maximum si vous en avez envie bien sûr. Sur facebook, les retours m’ont beaucoup touchée et je me suis dit que les 6h passées dessus où j’avais l’impression de perdre mon énergie, avaient finalement permis à certaines personnes de s’exprimer, de se retrouver dans ce que je disais et j’en étais contente (même si on s’en passerait…). Se sentir moins seules dans son combat, c’est aussi tout l’intérêt du 12 mai… mais aussi du reste de l’année…
« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » (oui je sais qu’elle est tournée à l’envers, mais c’est comme çà que je le perçois) et « Tant que la recherche continue de se battre pour nous, il y a de l’espoir.. et de la vie… »