
Jusqu’à mes 28 ans, j’avais très peu de contacts avec les gens, je ne me serais pas vue venir me blottir dans les bras de mes parents par exemple. Pareil avec les ami(e)s. Un bisou sur la joue, c’était bien suffisant. Avec l’anorexie, les câlins étaient sans doute encore plus compliqués à accepter parce que je ne ressentais plus vraiment grand chose au contact de qui que se soit. Je me suis même demandée comment je me serais comportée avec mes nièces à ce moment là, si elles avaient été parmi nous, c’est dire. Et j’ai été hospitalisée à Marseille dans un établissement où il y avait un ergothérapeute qui se formait à la thérapie manuelle en parallèle. Un jour, il m’a bandé les yeux, je l’ai entendu bouger dans la salle et l’objectif était de le trouver, à l’aide du toucher justement. J’ai senti qu’il n’était pas loin et plus je m’approchais, moins ma main faisait l’effort de se tendre pour l’atteindre. J’ai tourné en rond un bon moment autour de lui, faisant semblant de ne pas le trouver, alors que je savais très bien où il se situait par rapport à moi. Il n’avait évidemment pas fait cet exercice pour rien, il savait bien avant que je lui dise que c’était quelque chose de compliqué pour moi. Le fait de mesurer à quel point j’étais fermée m’a fait fondre en larmes, alors que personne ne m’avait jamais vue pleurer non plus. Ses séances étaient toujours remplies d’émotions de toutes sortes, mais sans lui, je sais que je n’en serais pas là dans mon rapport à mon propre corps mais aussi vis à vis des autres.
Et depuis quelques temps je pense sûrement davantage à lui. Parce qu’il m’a appris qu’en réalité j’avais besoin de ce contact avec les autres. Il était hors de questions qu’on me fasse un câlin et pire que je fasse la démarche pour en faire un. Comme beaucoup d’éléments qui me constituent maintenant grâce à cet ergothérapeute et à sa façon qu’il avait de me pousser parfois dans mes derniers retranchements pour me faire avancer, je ne les possédais pas il y a 13 ans. J’ai appris à savoir comment je fonctionnais grâce à son aide, ce que je désirais (ou pas), ce que j’aimais (ou pas), bref je me suis reconstruite à tous les niveaux, sauf que parfois on ne se rend pas forcément compte qu’on change.
En 2011-2012, j’ai découvert le reiki, on m’a donné des soins qui m’ont impressionnée par la valeur que pouvaient posséder des mains et l’énergie qui pouvait traverser entre deux êtres et au-delà d’eux. Je reviendrai sur mes expériences en reiki, que ce soit dans les soins reçus que ceux donnés, sinon mon post çi tiendra sur 4kms, déjà que je tente d’être concise alors qu’il y aurait tant à dire, pourtant.
Depuis j’utilise l’auto traitement, mais je n’avais plus posé mes mains sur quelqu’un dans ce contexte, parce que j’expliquerai aussi pourquoi j’ai stoppé durant toutes ces années. J. m’a demandé un jour comment c’était, ce qu’on ressentait, pourquoi j’y tenais tant à cette pratique et si je continuais. A travers ses réponses, j’ai compris qu’il n’était pas réfractaire et je lui ai proposé d’essayer sur lui. Il a tout de suite accepté. Et apprécié. Et c’est comme si j’avais repris confiance en mes mains. Que ce soit pour le reiki ou pour apporter du réconfort, de l’apaisement, de la détente. Je peux passer de longs moments à lui toucher les cheveux, à lui masser le dos comme je le ferais à un enfant, quand il s’installe contre moi. Ce w-e, sa plus petite fille n’était pas très bien, un mal de tête sûrement liée à la chaleur. J’ai commencé à lui toucher les cheveux en réalisant qu’elle n’avait peut-être pas envie, du coup je lui ai demandé et elle m’a répondu que je pouvais continuer si ça ne me dérangeait pas. Je lui ai massé le dos pour lui apporter un peu de ma chaleur humaine, je la voyais fermer les yeux, elle a fini par s’endormir. C’est sans doute là que j’ai pris conscience encore davantage du pouvoir du toucher. Je regardais mes mains comme si ce n’était pas les miennes, parce que je suis aussi quelqu’un de pudique.
Le pouvoir d’apaiser, d’apporter une présence autre que la parole, montrer son empathie, son amour, consoler. Je me sens remplie d’énergie dans tous les cas. Mais ce w-e j’ai surtout qu’on ne réalisait pas le pouvoir que chacun(e) avait dans ses mains. J’était très douloureuse et je pense que J. a remarqué que je me mettais dans certaines positions quand la douleur m’empêche de me tenir assise. On était en train de regarder un film, il a posé sa main sur mon dos, la changeait parfois de place et j’ai ressenti une telle chaleur se diffuser le long de ma colonne vertébrale. Il y avait toute une énergie qui venait s’enrober autour de mes vieux os et de mes vertèbres à deux sous. J’ai fermé les yeux pour profiter de ce moment parce qu’il arrivait à m’apaiser sans vraiment mesurer l’importance de sa main poser à ces endroits douloureux de mon corps de merde. Il a été étonné quand il a su le bien que ça m’avait fait, lui qui se sent tellement impuissant quand il me voit souffrir encore plus que d’habitude. Je pense que lui-même a regardé sa main en la tournant dans tous les sens en se disant « j’ai pu procurer un tel réconfort avec ma main ?? »
Mes mains (enfin ma main gauche surtout) aiment ressentir ce qu’elles apportent. Voir des sourires de bien-être, des soupirs d’apaisement, des yeux qui se ferment comme lorsqu’on est entre l’éveil et le sommeil, c’est ce que j’aime donner aux autres comme sensations. On sous-estime le pouvoir du toucher je pense. Ou alors on n’y croit pas, c’est bien possible. Ou tout comme moi il y a 13 ans, on m’aurait mis une main dans mon dos, je me serais sauvée en courant. Quand j’ai découvert ce qu’était recevoir un câlin, j’ai en tout cas mesuré à quel point ça m’avait manqué de ne pas avoir de bras qui se referment vraiment sur moi. Tout comme je me suis aperçue qu’on était constitué d’une énergie qui se rechargeait d’un être à un autre en passant par l’univers en entier. Tous reliés comme si un fil électrique conduisait cette énergie de façon invisible et que les mains étaient nos capteurs pour transmettre et recevoir.
Et pour vous, c’est facile de prendre les gens dans vos bras, de leur apporter un peu de chaleur en posant vos mains sur eux ? Tactile ou pas du tout ? Pot de colle comme je le suis devenue ou pas du tout ? 🙂 Vous connaissez le reiki ou toute autre pratique énergétique ?
Ptite Delph qui aime le sens du toucher et qui le développe de plus en plus pour sa plus grande joie. Comme quoi tout s’apprend et on évolue au fil des expériences et de notre vécu. De nos réparations concernant le passé aussi