Gestion du Covid

Carnet de bord d’une confinée hypersensible – Jour 4 et 5

Jour 4 et 5 – Jeudi 19 et vendredi 20 mars 2020

Les jours risquent de vite se ressembler donc je rassemble un peu les journées pour ne pas avoir l’impression de me répéter. 

Les gens ont encore du mal à comprendre que le confinement n’est pas un truc inventé comme un jeu. A se demander combien il faudra de décès pour faire réagir que rester chez soi, autant qu’on peut, est le seul moyen d’endiguer le virus. Mais non postillonner deviendrait presque un sport national quand on surprend certains comportements. Je me suis transformée en mégère qui regarde dehors accoudée à son balcon, on dirait que je guette ce que font les gens, mais je m’alimente juste un peu des autres et de la vie que je perçois.

Mon corps commence à hurler de douleur, j’ai sorti un tapis de yoga jamais utilisé en 8 ans que j’habite dans ce studio là. Il aura fallu que je ne puisse plus faire travailler mes gambettes dehors pour que je le ressorte. Que j’aie envie de me mettre au yoga (pour mon corps mais aussi pour apaiser le flux mental beaucoup trop en forme pour mes deux neurones accrochés tant bien que mal à mon cerveau). Etre assidue aussi au Qi Gong que j’aime tant pour mettre en mouvement mon corps en marche doucement. 

Je ne m’ennuie toujours pas, aujourd’hui, vendredi donc, j’ai fait du pain de mie (chose que je n’avais pas faite depuis des lustres pour des raisons physiques, mais là j’allais manquer de pain et je ne veux pas sortir pour une raison qui me paraît idiote s’il y a juste à acheter, donc allez les biscottos, sans machine, juste mon mixer et ses fouets. Il n’a pas trop mauvaise bouille, ça va. J’espère que certains dentistes travaillent encore, si jamais je me cassais une dent dessus par contre. 

Je m’étais inscrite à des MOOCS concernant la comptabilité pour me remettre un peu dedans. Au moment de l’inscription je me disais que les cours risquaient de tomber dans la période où je serais sûrement dans les cartons et comment dire… je suis très loin d’eux, donc si si j’ai le temps de bien approfondir en long, en large et en travers. Excel et Word y passent aussi pour maximiser mes chances auprès d’un potentiel employeur à Nantes qui aurait envie de me donner ma chance à temps partiel…  Je n’en parle pas, mais ça tient pas mal de place depuis un mois dans mon quotidien et là, confinement ou pas, c’est pareil comme programme.

Vendredi était l’anniversaire de mon chéri. Il y a eu manque encore plus grand de ne pas pouvoir sauter dans ses bras en criant « joyeux anniversaire ». On se rattrapera… 

J’ai accumulé les crises d’angoisse (le débarquement de 640 croisiéristes chez nous ne m’a pas arrangée). Ils m’ont fait penser à des poux dont on n’arriverait jamais à se débarrasser. Les savoir éparpillés dans des bus, des avions, à Marseille, m’a fait paniquer… surtout en découvrant le nombre de personnes positives. Comme une trainée de poudre je me suis sentie en danger pour la 1ère fois, dans le sens où depuis le début j’ai l’angoisse de perdre mes proches à cause de ça et que je passe en dernier. Ce qui ne m’empêche pas de me protéger évidemment. 

Et une question existentielle pour le coup m’est venue une fois de plus, mais là un peu plus forte. A quel moment j’allais pouvoir faire 4h30 de tgv pour voir mes proches et 6h30 pour aller voir mon chéri. L’inconnu m’a collé une boule au ventre. Et la pensée « je ne les reverrai peut-être jamais ! » m’a finie. De parler avec mes parents, mon chéri m’aura un peu apaisée. De parler d’autre chose aussi. 

Ce n’était pas 2 jours au top. Je reconnais une fois de plus que je m’estime chanceuse, mais il y a des paramètres à prendre en compte. Dire qu’il suffit d’être sur notre canapé en train de regarder une série, n’est pas aussi simple. Je me suis sentie devenir folle cette après-midi, parce que j’étais submergée par un tas d’émotions que je ne maîtrisais plus. Et puis ce n’est pas parce qu’on va se « plaindre » qu’on ne réalise pas qu’on n’est effectivement pas aux 1ères loges. De mon côté j’ai peur de sombrer dans la dépression parce que je me sais fragile. Et c’est un élément à prendre en compte à mes yeux. 

Demain je ferai une liste de ce que le confinement m’a apporté en une semaine, malgré tout. 

N’hésitez pas à me dire en commentaire comment vous vous sentez, comment vous allez ainsi que vos proches, comment vous gérez cette situation particulière et inédite. 

 

 

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Carnet de bord d’une confinée hypersensible – Jour 2

Jour 2 – Mardi 17 mars 2020

Je me réveille remplie d’angoisses. Toutes les questions, craintes, pensées se bousculent au portillon de mon ciboulot. 

Mes parents, mon frère et sa tribu qui se retrouvent dans la région où le virus a fait le plus de dégâts. J’aurais aimé les mettre sous cloche pour les protéger. On ne savait pas encore quelles seraient les décisions prises côté travail. J’ai demandé du soutien sur facebook parce que je me fais peur parfois, il faut bien le dire. La crainte du décompensation psychologique se coince entre 2 neurones me fait paniquer encore davantage. Tous mes symptômes de dépression et d’anxiété généralisée me sont renvoyées en pleine gueule et sont remontées tellement vite que je ne sais pas comment gérer ça. Un comprimé de valium pour m’aider à faire descendre l’angoisse qui me ronge et j’arrive enfin à m’assoupir dans l’après-midi. 

Comment ça se passe à ce moment là dans ma tête d’hypersensible ? C’est faire l’éponge et prendre tout le malheur du monde sur ses épaules et colmater chaque cellule du cerveau avec des angoisses qui ne m’appartiennent pas, mais que j’absorbe malgré tout. Tous ces décès en Italie, nous confinés qui risquons d’avoir le même avenir. Je me suis sentie prisonnière, j’ai pleuré une bonne partie de la journée. Pas pour moi. Pour les autres. Ceux que j’aime. Mais aussi pour tous ces inconnus déclarés positifs. C’est s’en prendre plein la gueule une nouvelle fois. La difficulté étant que les nuits sont courtes, donc pas de possibilité de récupérer moralement et le corps, n’en parlons pas. 

Ce confinement me renvoie à des sales périodes du passé. Je me suis retrouvée en déconditionnement physique au début de la fibromyalgie. Je ne pouvais plus marcher du tout, il avait fallu des mois de rééducation. La peur de revivre ce moment commence à naître du coup je tourne en rond chez moi parce que je n’ose pas sortir même sans personne autour de moi et malgré l’attestation de sortie qu’on doit avoir sur nous à chaque sortie. Mon corps commence à souffrir davantage, je ne sais pas comment le gérer lui non plus. Il faudra que je trouve des exercices pour que mes muscles ne lâchent pas déjà au bout de 2 jours. 

J’ai l’habitude de passer plusieurs jours d’affilée seule chez moi, à ne voir personne, à ne pas pouvoir sortir parce que pas en état. Je me suis toujours occupée, ce n’est pas le problème. Et puis il n’est pas question de vie et de mort non plus d’habitude. 

Je découvre dans l’après-midi à quel point je suis contente de voir des visages à travers les stories instagram. Je vois bouger, des expressions de visages derrière mon écran et me sens d’un coup moins seule. Le #happyconfinement est lancé parce qu’il faudra voir le positif de chaque jour du confinement pour nous aider. Mon pessimisme est mon pire ennemi dans l’histoire si je le trimbale jusqu’au bout du confinement, donc il faut le rompre le plus vite possible. Chose faite grâce aux amies sur facebook qui me connaissent bien et les copinettes instagram. 

Et c’est fou à quel point le silence fait du bien. Déjà le matin, les klaxons ne sont pas au RV, les oiseaux chantent. Je prends plaisir à ouvrir mes volets et ma fenêtre, à me remettre sous ma couette et sentir l’air frôler juste mon visage et écouter le silence (oui il s’écoute, mais on ne prend pas le temps de le faire parce qu’il est parasité d’habitude et surtout on ne prend pas le temps, la vie va trop vite…). La nature se réveille et prend le dessus et c’est bon. J’ai le réflexe de me dire que la planète va au moins respirer de nos confinements. Un point positif pas négligeable. Et il ne faudra sûrement voir que ça si on veut avancer : le positif.

Je dis plus haut être habituée à l’isolement. Mais il y a toujours une sorte de culpabilité et je m’interdis de faire certaines choses, parce que je devrais être en train de travailler. Là je me rends compte que les choses se font aussi plus spontanément, plus librement, sans culpabilité et je réalise que finalement je suis plus productive dans la journée. Parce qu’on réinvente aussi notre quotidien, dans une vie confinée mais dans laquelle on ne doit pas rester enfermée pourtant pour ne pas s’y noyer. Garder le contact, arrêter de se dire que je n’apporte rien et partager celle que je suis avec ce que j’aime. On fait toutes comme on peut et c’est tout ce qu’on garde en soi. Avec des difficultés différentes. 

Je me dis que m’ouvrir aux autres sera peut-être à faire davantage dans les jours à venir. Mais en allant vers des personnes qui arriveront à me tirer vers le positif même en ayant des coups de mou elles-mêmes. (Oui on peut être des personnes positives et se sentir moins bien par moyens, on appelle ce phénomène, l’humanité) Et entre tout ce que j’ai vu les jours précédents et de ce que je vois de la vie en général, j’ai perdu foi en l’humanité et je ne le souhaite pas, surtout pas dans des circonstances pareilles. On a besoin d’avancer ensemble. De faire une entité. 

 

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Carnet de bord d’une confinée hypersensible – Jour 1

Un peu de liberté…

Jour 1 – Lundi 16 mars 2020

Pourquoi ai-je tenu à rajouter le « hypersensible » ? Parce que cela prendra tout son sens durant tout le long du confinement, étant donné que c’est un trait de caractère qui m’est propre qui, je le sais, me desservira dans ma gestion des émotions durant cette période. Chaque jour, j’écrirai comment j’ai vécu la journée, ce que j’ai fait, ce qui a pu se passer dans ma tête, dans mon corps aussi, dans mon corps. Je sais que tout sera changé après cette pandémie. Ma façon de voir les choses, des priorités qui changeront sûrement. Je l’ai ressenti dès le début, qu’on en ressortirait tou(te)s différent(e)s. 

Petit retour en arrière avant le confinement officiel. J’étais malade près de 10 jours la semaine qui a précédé. Un état grippal qui me rendait k.o et qui m’a clouée au lit. Vendredi, j’ai dû faire quelques courses, frigo et placards criant famine puisque j’avais pris la décision de ne pas prendre le risque de partir à Nantes où je devais rejoindre mon chéri. La peur de transporter cette merde et que mes défenses immunitaires laborieuses n’arriveraient pas à me tirer d’un tel virus si jamais je l’attrapais, donc mon billet, je l’ai annulé à contrecoeur, mais avec conscience de ce qui était déjà en train de se passer contrairement à d’autres. Samedi matin, je suis partie marcher dans le parc à côté de chez moi en faisant déjà attention à ne m’approcher de personne. Samedi soir, il a été décidé que les restaurants, bars fermeraient leurs portes. Encore une étape qui m’a convaincue de m’auto-confinée dès le dimanche. Pour protéger les autres et moi. 

Le jour 1 sera lundi pour moi. Ce jour où par mesure de sécurité et en devinant que lors de son allocution du soir, E. Macron annoncerait les conditions de confinement. Il faut dire que les inconscients du w-e en allant s’agglutiner dans les parcs n’ont pas arrangé les décisions qu’il fallait prendre en urgence. La journée a passée avec beaucoup de colère, je bouillonnais de l’intérieur, me suis retenue de dire merde et leurs 4 vérités à certaines personnes. Ma colère s’est transformée en angoisse profonde, celle qui crée une énorme boule au niveau du plexus et de l’estomac et qui empêche de respirer. La nuit est terrible dans ces moments là. On ne peut pas dormir parce que le bouton off n’a toujours pas été créé pour stopper les pensées dans notre ciboulot et ce dernier crée des pensées qui n’ont ni queue ni tête. On en vient à penser à tout et n’importe quoi et à être incapables de se raisonner et être objectives. Bref j’ai perdu la boule. Le lundi, il a fallu compléter mes courses pour être sûre de ne pas devoir ressortir trop souvent. Le but étant de ne pas se balader sans arrêt. On n’oublie pas que le virus contre lequel on lutte à échelle mondiale ne bouge pas, c’est nous qui le bougeons. Donc stopper nos mouvements devient le seul moyen pour éviter qu’il se propage.

N’allant pas très vite pour marcher, on peut dire que j’ai filé droit aussi vite que je pouvais malgré tout, jusqu’au 1er petit supermarché près de chez moi. Une file d’attente à l’extérieur m’attendait. Mais les gens étaient responsables, on s’est tous mis à distance les uns des autres automatiquement. Et on est entrés par 5 dans le magasin. A part les fruits et légumes (promis les miens ne m’ont toujours pas attaquée, n’hésitez pas à en acheter, ils vont se sentir délaissés au milieu des paquets de riz et de pâtes dévalisés par 15 paquets par certains). J’y ai vu tout l’égoïsme qu’un être humain peut posséder mais ce n’est pas nouveau. La nature humaine se montre sous son vrai jour dans de telles circonstances et ce n’est pas beau à voir. Sans compter le fameux papier wc, volatilisé des rayons. Apparemment les gens ne savaient pas que le Covid 19 n’entraînait pas de diarrhées…. ou alors ils avaient prévu le coup pour utiliser les rouleaux vides pour faire des activités créatives avec leurs enfants. On ne saura jamais ce qui se cachait derrière le mystère du papier wc kidnappé. 

C’est en rentrant chez moi que j’ai réalisé dans quoi on était embarqués… J’étais contente de ne pas être partie finalement parce que j’aurais eu des soucis pour revenir, mais le manque d’amour de mon chéri a été pesant pendant cette journée. 

A la fin de chaque post, j’aurai un mot pour le personnel soignant, les personnes qui travaillent dans les supermarchés et qui permettent qu’on puisse s’alimenter, les personnes qui n’ont pas pu faire de télétravail et qui sont sur leurs postes de travail. Des personnes exposées quotidiennement face au virus. #restezchezvous étant la seule façon d’aider pour ne pas propager davantage cette saloperie. Mais cette impuissance est terrible. Une pensée également pour les personnes qui sont à risque, aux personnes sdf oubliées. Et j’en oublierai sûrement, mais le coeur y’est.