
J’espère que vous vous portez tou(te)s pour le mieux en cette période si sombre. Prenez soin de vous et restez bien chez vous…
Je voulais écrire ce post depuis un moment, mais j’avais besoin de recul et de voir sur la durée, comment je me comportais au niveau alimentaire. Quand j’ai su qu’on serait confinés, le stress du futur déménagement, l’éloignement d’avec mon chéri d’un côté de la France, ma famille à l’opposé et moi au milieu, je reconnais m’être posée beaucoup de questions sur la façon que je gérerais tout cela seule. Et la psychologue m’avait appelée au bout de 2 semaines de confinement et je lui avais avoué avoir peur de retomber dans l’anorexie. C’était d’ailleurs la première fois depuis la sortie complète des troubles alimentaires que j’avais peur à nouveau. Elle m’avait répondu que je devais tenir et ne pas mettre à néant tout ce combat. Qu’au moindre signal, je devais la prévenir pour qu’on m’aide à ne surtout pas rechuter (je ne pensais honnêtement pas écrire un jour ces mots à nouveau…). Je me suis sentie très fragilisée à tous les plans. Mon passé est revenu me hanter, j’y pensais davantage à tout cet enfer alimentaire. La peur de prendre du poids pendant le confinement n’a sûrement pas aidé. On peut accepter son corps tel qu’il est et tolérer de prendre du poids, cela n’enlève en rien la peur de trop grossir malgré tout. Je suis humaine, j’ai envie de me sentir bien dans ce corps qui me fait déjà tant souffrir. Pour moi, pas pour les autres. Et les réseaux sociaux avec leurs fameux « comment rester mince durant le confinement », « les gestes à ne pas faire », « faites du sport pour ne pas grossir », m’a rendue mal aussi. Pour moi comme pour les femmes qui ont du mal avec leur image. On est confinées et on nous serine encore qu’il faut rester mince, en gros. Il y a un problème.
Mais comme on le sait, l’anorexie n’est pas forcément la recherche de perdre du poids, elle est surtout symbole de contrôle et c’est cette partie là qui a pu m’effrayer. Le mode de pensées « je contrôle ce que je mange et me défoule pour éliminer parce que je ne possède aucun contrôle sur aucune situation ». J’ai commencé à bouger chez moi avec des exercices de gym, à marcher en faisant du surplace avec « walk at home ». Et je me suis revue il y a 20 ans, en train de courir à longueur de journée pour éliminer les 500kcal que je m’autorisais à avaler. J’ai même commencé à écouter le même style de musique entraînante qu’à l’époque. Et j’ai eu peur de ne pas m’arrêter de bouger. C’était comme un film que je rembobinais. Et il a fallu que je fasse le point sur ce que je risquais en gros. Comment je gérais la nourriture que j’ingérais, assez, pas assez, trop ? Comment je gérais l’activité compliquée à mettre en place étant limitée malgré tout dans ce que je peux faire et ce qui ne me rappelais pas mon passé d’hyperactive pour ne pas réveiller le vieux démon que j’avais peur d’avoir au fond de moi encore.
Je me suis rassurée en m’apercevant que je n’avalais rien de plus qu’à l’ordinaire. Que je n’avais pas forcément de compulsions ou l’envie de grignoter sans arrêt. Et que mon mode de pensée anorexique s’était éteint pour de bon. Une fois que j’aie été sûre que je bougeais uniquement pour ne pas me retrouver en déconditionnement physique par rapport à la fibromyalgie, j’ai recommencé mon petit rituel de « sport ». Que je fais avec plaisir parce que ça me donne une sensation d’accomplissement. Par rapport à mes douleurs.
Tout est désactivé en moi côté anorexie, boulimie non vomitive, compulsions. J’ai apparemment mis il y a 7 ans tous mes modes de pensée destructeurs sous clé et je ne peux pas réouvrir la boîte à pensées merdiques. Il me reste les souvenirs. La souffrance que j’ai faite autour de moi. La solitude dans laquelle j’étais enfermée aussi parce que je vivais ce cauchemar seule par choix et pour qu’on me foute la paix pour me détruire. Et le confinement, seule, à réveiller toute cette partie de moi, ce qui a contribué au fait que je n’aie pas toujours un moral d’acier.
Je me suis posée aussi la question de la boulimie en confinement. Comment j’aurais fait pour assouvir ce besoin de me remplir qui apparaissait bien trop souvent par périodes. La réponse a été bien claire. J’aurais été capable de ressortir, quitte à avoir une amende, me mettre en danger côté virus, j’aurais été l’une de ses inconscientes qui allaient sans arrêt acheter sa drogue alimentaire. Ou je me serais bourrée de trucs dégueulasses juste pour me remplir. J’ai été capable d’avaler des choses immondes, crues parce que je ne pouvais pas attendre leur cuisson. Capable aussi de mâcher n’importe quoi pour combler le vide que je pouvais ressentir en moi.
Je n’ai aucun conseil à donner si vous passez par là et que vous souffrez de tca qui ont pu s’accentuer durant le confinement et j’en suis bien triste parce que je sais que c’est une souffrance supplémentaire. J’ai été soulagée de constater que j’étais bien plus forte que tout ça, mais j’ai eu le temps malgré tout de douter de moi, de revivre ces 13 années de cauchemar où je n’avais pas de répit. C’est se retrouver seule face à soi-même que de se retrouver en confinement. C’est difficile de mettre des mots sur ce que je ressens mais tenterai malgré tout de le faire. J’ai sans arrêt un miroir en face de moi et c’est une lutte de se dire qu’on n’est pas si fragiles qu’on peut le penser. Qu’on tient debout par une force qu’on a tous en soi, parfois bien camouflée, c’est nécessaire de creuser pour aller la chercher encore plus au fond de nos entrailles, mais elle est là, cette force. Je me réfugie beaucoup dans tout ce qui est méditation, yoga, relaxation pour éviter les crises d’angoisse déjà. Et ne faites pas la même erreur que celle que j’ai pu faire à certains moments, vous isolez.
Si jamais l’anorexie ou la boulimie était dans les parages, dans les méandres de votre esprit, n’oubliez jamais que vous n’êtes pas que ça. Que la maladie ne vous définit pas. Et le confinement est peut-être là pour fouiner dans d’autres parties de vous-mêmes aussi, pour révéler celles que vous êtes réellement et qui se cache derrière ces saloperies qui donnent souvent l’impression qu’on n’est plus que ça. Bien loin des modes de pensées biaisées qu’elles entraînent, il y a votre personnalité avec ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, de l’amour, des passions. On ne peut rien contrôler de ce qui se passe, à part faire attention, attendre, vivre au mieux le moment présent pour ne pas anticiper le futur et ne pas ressasser le passé. Les deux sont nos pires ennemis… Seul le présent est notre allié. D’autant plus en cette période. Plus que jamais.
C’est tout ce que je peux en dire. Et que je pense à vous. Je n’oublie rien de ce que j’ai vécu, mais la vie me prouve depuis 1 mois et demi et me confirme que c’est derrière moi tout ça malgré mes craintes d’un temps que tout me revienne en pleine tronche. Et si tout s’est verrouillé en moi de ce côté là, il n’y a pas de raisons pour que ne soit pas pareil pour vous. On renaît de tout cela même quand on n’y croit plus, qu’on est à bout. Mon disque dur a été rempli de pensées plus justes et mon cerveau a finalement bien accepté cette nouvelle version de celle que je suis.