Sortir de l’anorexie
Pas totalement sortie de là-dedans, il y a 4 ans, mais beaucoup de choses avaient changées déjà dans ma tête et je devais être à 42kgs environ. 2 ans après, de fil en aiguille, j’oubliais presque, que manger, avait un été un calvaire toutes ces années…
Je n’avais pas du tout prévu de parler d’anorexie ce soir, mais il y a un reportage sur NT1, dont la présentation m’a un peu effrayée. Quand la journaliste a dit « un combat pour toute une vie », le mot « toute » était de trop dans mon corps, dans ma tête, dans mon coeur et j’ai dit « non non et non !! » Entre coup de gueule sur ce que je viens d’entendre et message d’espoir de la guérison, je vais raconter comment je me sens à l’heure actuelle, côté troubles alimentaires.
Je suis tombée dans l’anorexie, à l’âge de 18 ans. J’ai galéré des années, seule dans mon coin, perdu du poids très rapidement une 1ère fois, le seul moment où mes parents se sont rendus compte que mon corps disparaissait. Par « chance », tout le monde a mis cette perte brutale de poids, sur le compte d’une pneumonie que j’ai eue au même moment (quand on ne mange rien, nos défenses immunitaires deviennent vite nulles et on attrape tout ce qui passe), du coup, l’anorexie mentale est passée inaperçue. Il y avait l’anorexie physique qui faisait peur, elle… et à moi la première, j’avoue. (à l’époque, je ne connaissais pas les tca et ne savais pas qu’on pouvait être malade de ne pas manger, je ne comprenais pas trop ce qui se passait dans ma tête, dans mon corps, au moment où j’ai commencé à diminuer mes rations journalières. Un gros mal-être qui est venu se mettre entre mes neurones pour les emprisonner d’une façon inimaginable…). Une nuit, j’ai eu une sensation étrange, comme si mon enveloppe corporelle n’était plus reliée à l’âme d’un coup. Comme si j’étais en train de partir, en sentant que mon coeur ne battait plus aussi vite qu’il aurait dû. Entre 2 quintes de toux qui m’épuisaient, j’étais en train de mourir de faim. J’avais encore cette conscience qui fait qu’on réalise qu’il faut manger pour vivre. Je n’avais pas envie de mourir et ce que j’ai senti cette nuit là, j’ai toujours imaginé que c’était la sensation qu’on a quand on est en train de mourir et que quelque chose se modifie en soi. La mort si proche de moi, là d’un coup… C’était « juste » elle que je ressentais dans ma chambre, allongée dans mon lit, à la sentir se mettre en moi, prête à faire arrêter mon coeur. Un petit déclic qui m’a faite repartir, j’ai repris un peu de poids, jusqu’à un poids normal. Jusqu’au fait que je ne pense plus à cette nuit là, je pense… et j’ai de nouveau arrête de m’alimenter. Ce besoin de contrôler mon corps, ces formes que je voulais à tout prix voir s’effacer, ce besoin de gérer tout, en passant par la nourriture.
A l’époque je passais mon bac, dont j’ai passé les épreuves l’estomac vide, naviguant autour de 500kcal par jour, en moyenne. Puis il y a eu le BTS, pareil. Refusant tout soin, fuyant toute discussion avec mes parents qui avaient réalisé que j’avais un problème. Des paroles qui ont tournées au drame. Les 1ères idées suicidaires. Elles ont augmentées au moment où je suis tombée dans la boulimie, pendant de longs mois. Sans vomissement. Prise de poids. Puis rechute complète dans l’anorexie, me mettant en danger, à force de liquider mes calories à tout va et en ne remettant pas d’essence dans le réservoir, pour faire tenir le moteur… Etc etc… Je raconte beaucoup de choses dans mon 1er blog, n’ai pas le courage de repartir là-dedans.
En 2004, j’ai commencé à avoir un suivi. 8 ans après être tombée dans le gouffre…. Des hospitalisations à répétition qui m’ont beaucoup aidée, qui ont commencé à me faire voir les choses autrement. J’ai eu la chance qu’il y ait une psychologue et un ergothérapeute qui ont modifié une partie de la maladie…. En 2006, j’ai rencontré S. avec qui je suis restée 6 mois. Une rencontre qui a sûrement bouleversé ma vie, qui m’a motivée à me soigner vraiment, parce qu’il était là, très présent, à me répéter les qualités qui faisaient que j’étais « MOI » et pas juste un corps qui crevait de faim. On n’était pas amoureux, ni l’un ni l’autre. Juste bien, même si on savait qu’on n’irait pas loin ensemble et qu’on ne construirait rien, à part nos moments de tendresse. Son affection, qui est devenue amicale, rapidement, m’a empêchée de me renfermer de trop. Je lui ai souvent demandé de me laisser tomber, en lui disant que je ne méritais pas son amitié, que je ne valais rien, que j’étais nulle etc… « Pourquoi, tu es près de moi, toujours, tu te rends compte de ce qu’est ma vie, pourquoi tu veux en faire partie, il y a mieux que moi non ??? »……. « Tu es ma meilleure amie, j’ai besoin de toi et envie que tu t’en sortes »… J’ai accepté un autre suivi, avec une psy spécialisée en TCA, cette fois-çi, je ne bougeais plus, j’avais atterri plus d’une fois aux urgences, parce que mon coeur faisait des siennes et j’étais épuisée, tant physiquement que mentalement… J’étais suivie à La Timone, dans le service du fameux Pr Vialettes, l’endocrinologue dont on entend souvent parler… à la bonne réputation dans les émissions télé…. , qui détruit ses patientes encore davantage en réalité… La psy faisait partie de l’équipe et je voyais une diététicienne. Je n’ai conservé que la psy. Qui continue à me suivre encore maintenant, toutes les semaines. Davantage en soutien qu’en thérapie depuis 1 an et demi, parce que je me sens beaucoup mieux, côté troubles alimentaires.
Au bout de 13 ans, sur mon dernier certificat médical, il était inscrit le mot « guérison ». Un combat que j’ai mené dans de terribles souffrances, il faut bien le reconnaître… Pendant 13 ans, ma vie s’est éteinte. Je me suis réveillée, entre thérapie, hospitalisations, amour de ptite famille, amitié précieuse de S. qui est devenu celui que j’appelle souvent par ici, le meilleur ami. Sans lui, je n’aurais pas tenu le coup, dans les baisses de moral, dans les envies de tout balancer, de dire merde à la maladie et à la vie. J’ai eu quelques ami(e)s qui ont gravi autour de moi aussi, S. en a été le noyau. Sans psychothérapie, sans pouvoir vider mon sac et avoir un échange pour me recadrer dans mes pensées, je n’aurais pas pu.
Je mange, comme si de rien n’était. Dans le miroir, je me vois telle que je suis. Je me voyais déformée, énorme, durant toutes ces années et au fur à mesure, mon regard s’est corrigé, pour atteindre la réalité. Du haut de mon 1m65 et 47kgs, je cherche à me former encore davantage, à devenir une vraie jeune femme. J’ai réintégré tous les aliments, à mon rythme, en faisant attention que ma tête suive toujours le corps. Le jour où j’ai mangé un biscuit sans y penser 5h après encore, traumatisée, j’ai pris conscience que je pourrais arriver à être plus forte que l’anorexie. Je me sens plus forte. Je sais que je n’atteindrai plus 37kgs. Je sais que j’existe autrement et je parle de ce que je ressens, au lieu de tout faire passer par la nourriture. Il y a des troubles autour de moi, qui rôdent encore beaucoup. Je suis moins sûre de parvenir à m’en débarrasser. Il y a la fibromyalgie aussi. Mais l’anorexie, c’est une porte fermée.
Je reparlerai sûrement de tout çà, mais pour ce soir, c’est suffisant. Le but de cet article, c’était juste de dire, qu’on peut s’en sortir et que c’est un combat oui, mais qu’il peut s’arrêter, un jour, pour nous laisser vivre plus sereinement et de voir la nourriture en ennemie. Je me sens bien anorexiquement parlant et il m’arrive d’oublier que je l’ai été. J’ai conservé des problèmes de mastication (et la fibro n’a rien arrangé…), des problèmes digestifs qui font que je digère mal et ne supporte pas de grosses quantités à la fois même si mon estomac a retrouvé une plus grosse taille. Je mange plus souvent et mon apport calorique est le même au final. Je mange plus lentement que les autres, ce qui me pose un souci, parce que j’ai tendance à m’arrêter de manger en même temps que les autres du coup, mais ce n’est pas l’essentiel et je n’en souffre pas. L’important, c’est que je puisse partager mes repas et manger devant les autres, ce qui n’était pas le cas pendant 13 ans.
C’est un réel combat, oui. Mais pas pour TOUTE une vie. C’est une fatalité de le dire ainsi et je ne veux pas qu’on le voit comme tel… On peut être anorexique chronique et voir le bout du tunnel et j’ai le même espoir pour celles qui connaissent davantage la boulimie, celles qui sont hyperphages ou celles qui se font vomir sans cesse. Rien n’est figé, promis… je ne pensais pas le dire, avant ces 2 dernières années et pourtant la réalité est telle qu’elle est. Chaque main tendue est un pas vers la guérison. On peut faire des rencontres, que ce soit médicales, amoureuses, amicales, qui font que tout peut basculer et nous entraîner vers autre chose que cette mort à petit feu. Alors, oui, c’est très dur et on souffre énormément, tant sur les plans physiologiques parce que l’appareil digestif doit se réhabituer et parfois, à force qu’il soit douloureux à chaque prise alimentaire, on en arrive à ne plus vouloir manger, mais il faut persister. C’est une sensation qui va disparaître au fur et à mesure. La tête, souvent, va contre nos envie d’en sortir et c’est un duel perpétuel. C’est une maladie à part entière, dont le chemin est très long… mais on peut arriver à vivre bien mieux, en la laissant de côté. Et c’est un combat qui mérite d’être vécu.
Pas TOUTE une vie… Au-delà d’un espoir à faire passer, c’est un espoir de guérison et de vie. Une réalité. MA réalité.
Waouh, j’en ai les larmes aux yeux de votre article. Moi, j’ai 16 ans et j’ai débute mon anorexie à la fin de mes 14 ans et au début de mes 15 ans. J’ai perdu environ 15 kg en l’espace de quelque mois et comme vous le dites je commence à apercevoir le bout du tunnel. Mais par contre ce n’a pas été comme vous, moi pour vaincre cette maladie j’ai été hospitalisé pendant environ 5 mois et demi et vous avez raison en disant que sans l’aide des psychologues etc, on y arriverait pas. C’est un véritable soutient.
En tout cas, votre article m’a vraiment touché et je vous trouve très forte.
Courage à toi, tu vas y arriver, continue de te battre, le combat vaut la peine, je te le promets. Je n’ai pas changé d’avis depuis que j’avais écrit cet article. Comme je dis, j’ai été hospitalisée, je ne pouvais plus, seule, çà a duré des mois, j’en suis sortie, puis rentrée à nouveau, ressortie. Sans çà, je n’aurais pas pu y arriver, c’est un tout qui m’a permis de voir le bout du tunnel. Ce combat, mène le juste pour toi, par contre. J’ai souvent eu la sensation de me battre pour les autres, pour ne pas faire de peine, pour ne pas faire de mal, alors je reprenais du poids, mais un jour, j’ai compris que c’était juste pour me construire une nouvelle vie, sans « elle », rien que pour moi, qu’il fallait que je m’en sorte. Juste pour vivre… tu repasseras par ici, pour me redonner de tes nouvelles, si tu le veux bien ? Et si je peux faire quelque chose, n’hésite pas à faire signe. Toi aussi, tu es forte et plus on se soigne rapidement, plus les chances de s’en sortir sont aussi plus grandes. Tu y arriveras 😉 je t’embrasse