Combats qui me touchent

Le ciel est troué

Source image : observers.france24.com

J’ai regardé le ciel avec son joli soleil et je suis vite revenue dans la réalité en me disant qu’ailleurs, pas si loin, ce même ciel était troué par des bombes. Bombes qui trouaient ce chantier en ruines qu’est devenue Alep. Encore davantage pendant que, nous, dormions sous une couette bien chaude et à l’abri. Un ciel troué pour atteindre les dernières personnes qui avaient pu résister aux assauts. Personnes qui laissent des messages d’adieu… Et c’est sans doute ce qui me touche le plus et qui me rend si impuissante face à la misère de ce monde. Voir tous ces visages et leur dire « mais non, allez, continuez à tenir, on est là avec vous, accrochez vous encore, ne leur laissez pas vos vies », en mettant ma main sur l’écran comme si je voulais les retenir de ce passage entre deux mondes. Lutter contre la mort avec eux, comme on le ferait au chevet d’un proche malade. Vouloir les maintenir encore un peu réveillés face aux bombes, en leur tenant la main pour leur dire qu’on ne les abandonne pas. Et lâcher finalement, parce qu’on sait que s’ils ne sont pas morts maintenant, ils le seront d’ici quelques heures sans doute. Et leur souhaiter enfin la paix, après avoir vu leurs familles partir en sang, tenu leurs bébés, leurs enfants dans leurs bras pour s’apercevoir au détour d’une ruine que leur petit coeur s’était arrêté de battre.

Le ciel a été troué par des bombes et par les mêmes trous, des âmes se sont envolées. Il a accueilli déjà trop de vies là-bas, il est fatigué lui aussi de cette Haine. Un ciel n’est pas fait pour tuer, il est là pour permettre de voir l’espoir à travers les étoiles, imaginer des formes avec les nuages et se perdre dedans à travers l’imagination, voir le soleil se lever et se coucher. Mais il n’est pas destiné à être troué par des missiles aussi destructeurs. Il est en train d’en accueillir et en accueillera encore. Et on dira qu’Alep était une ville, après s’être autant battue. Qu’elle est morte sous des assauts acharnés. D’une ville dont on parlait au présent, pour laquelle on espérait un futur, il ne restera que ce massacre sans nom…

Un enfant dira « mais comment une ville peut mourir, c’est pas possible ! » Et il faudra expliquer que si, dans ce Monde là, il est possible de tuer des villes. Qu’avec des bombes et assez de munitions, on peut tout démolir si on a l’esprit vicieux et inhumain. Qu’il y a le pouvoir des plus forts qui rongent ceux qui ne le possèdent plus. Qu’il suffit de peu pour anéantir et laisser crever tout ce qui fait qu’une ville vit. Et qu’elle se réduit en cendres et disparaît de la carte du Monde en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. On leur dira qu’après avoir perdu beaucoup de batailles, on n’est parfois plus assez résistants pour affronter plus fort que soi et qu’on en vient à perdre la guerre. Et que là c’est la fin de tout.

Et ce n’est pas un film apocalyptique. Ce ne sont pas des acteurs, ils ne rentreront pas chez eux ce soir, bien au chaud, après avoir joué leur rôle dans le film. Leurs rôles étaient leurs propres vies. Faites de poussières, de ruines, de morts, d’espoir peut-être…

Et pour le moment, s’ils n’ont pas encore rejoint ce ciel troué, ils sont en train de peupler les réseaux sociaux de leurs messages d’adieu et de détresse. C’est leur ultime trace de leur passage sur Terre. La folie humaine a gagné. Encore. 

Qu’ils reposent en paix…. Et à ceux qui sont encore debout, ma main est lâche, mais mon coeur est encore bien là, mais je vois bien qu’il ne sert à rien, qu’il est impuissant, parce que l’amour pour les autres n’est rien à côté de la guerre…. 

Le pire est que la vie continue « parce qu’il le faut ». On essaie de prendre sur soi pour se recentrer sur le fameux positif, sur la vie à laquelle on doit croire, se dire encore plus que ce sont les futilités du quotidien qui deviennent vitales en de telles circonstances et qu’on doit s’y accrocher pour ne pas sombrer avec eux et leur ville. Mais leurs visages, leurs derniers mots sont là….. 😦 

J’ai honte de ce Monde. Mon coeur a de plus en plus de mal à avoir envie de battre dans un Monde avec autant de Haine de part et d’autre. Pourtant je crois encore en l’Amour et c’est sûrement ce qui continue à le faire battre, sinon il lâcherait autant que ma main tendue l’a fait, parce qu’on ne peut pas rattraper tout ce(ux) qui tombe(nt)…

Ce silence de mort qui règne là-bas résonne tellement fort dans mes oreilles que j’essaie de le combler mais c’est un de ces silences au fond de soi, qui n’a pas de nom, sur lequel on ne peut pas poser de mots vraiment mais qui secouent les entrailles.

Prenez soin de vous et aimez le plus fort possible…

8 réflexions au sujet de “Le ciel est troué”

  1. C’est terrible ce qu’il se passe la-bas Delphine et tes mots sont magnifiques pour décrire un chagrin, une réalité que le pouvoir néglige. On peut détruire des villes, des pays entiers et le Monde peut resté insensible à cette déferlante d’horreurs.
    Dans ce ciel troué, ces villes saccagés, ce qui me donne toujours de l’espoir, c’est le sourire des enfants face aux bombes. Leur sourire me fait toujours un mal de chien mais il me donne aussi l’énergie de rêver, d’ajouter ma petite goutte d’eau à l’océan. Parce que face à la dureté du monde, à l’horreur, l’enfant se tient debout, porteur de tous les espoirs. Et j’ai l’impression que cette énergie là personne ne peut la lui prendre.
    Je t’embrasse fort et je pense à toi.

    1. Je ne sais vraiment pas comment on a pu aboutir à tout ça 😦 Ca me touche pour tout le Monde et à tout moment, mais tout est amplifié parce que ça sonne comme le glas et tous ces adieux… j’ai pensé à toi cette après-midi, j’avais lu ton commentaire avant de partir sur le Vieux-Port et il y avait le Père-Noël. Il tenait 2 enfants justement avec de grands sourires, automatiquement on fait le lien avec tous ces autres enfants entre autres et je me demandais justement comment ils faisaient, à quoi ils pensaient, s’ils avaient peut-être la foi, l’espoir qu’on les sauve. Mais leurs sourires oui… c’est vrai que c’est à double tranchant. Ils broient le coeur autant qu’on peut aussi avoir nous-mêmes un sourire avec les larmes en yeux parce que les émotions se mélangent. Là, j’ai l’impression qu’on leur a fait une promesse hier, en faisant penser qu’il y aurait évacuation et finalement, ces mêmes gens qui croyaient sûrement en les mots, ne sont plus là peut-être pour réaliser que ce faible espoir donné, était comme tendre un morceau de chocolat à quelqu’un qui est diabétique en sachant qu’il ne peut pas forcément en manger. J’imagine leurs mains tendues vers nous et qu’on leur tourne le dos finalement… et c’est encore pire… j’essaierai de me souvenir de ces sourires comme une boule d’énergie qui traverse tout l’univers, j’arriverai peut-être à récupérer un peu d’espoir, parce que là, c’est fichu, je ne crois plus en rien pour l’instant (ce n’est pas nouveau quand il s’agit de politique). Fais de gs câlins à ptit escargot, je vous fais de gs bisous à tous les 2 ❤ A l'amour qui tourne autour de nous, pour réchauffer les coeurs beaucoup perdus

      1. Je m’accroche à ces sourire, à ces rêves d’enfants. Ils sont l’avenir du monde. Je m’accroche à l’espoir Delphine. Puis j’ai la chance de croire, alors je prie, j’invoque toutes les puissances d’en haut, Dieu, les anges, les fées et je remets la vie de ces personnes entre leurs mains. A l’Amour, oui, que l’on partage à chaque instant et qui a le pouvoir de faire une différence. ❤ ❤ Merci d’être toi et merci pour ta participation au pot commun – c’est peu mais c’est déjà ça.

  2. Un très beau billet très fort et bien écrit c’est affreux cette guerre qui n’en finit pas comme toutes les guerres de faire des victimes innocentes. .. bises

  3. ce qui se passe est une horreur…. commise par des hommes…. tolérées par d’autres… sous nos regards impuissants. J’ai honte de ce monde.

    1. Je comprends ton ressenti oui… on a du mal à imaginer justement que certains puissent tolérer de telles horreurs ou arrivent à fermer les yeux, être dans le déni ou faire comme s’il ne se passait pas grand chose. Parfois j’aimerais être comme ça, sûrement que c’est moins de douleur d’avoir le coeur gelé. Malheureusement bien trop humaine comme beaucoup, parce qu’il faut éponger tout ça… le pire c’est l’impuissance effectivement
      Je t’embrasse bien fort et t’envoie un peu de douceur. Au moins, ça c’est encore possible ❤

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