(article écrit d’avance et programmé pour le 20 mai si tout va bien… s’il y a toujours cette petite annotation, c’est que je ne vais pas bien et que j’en suis au point de ne plus arriver à en être désolée de mon retard pour les commentaires que vous laisserez…. je rattraperai tout, dès que possible…)



Je me revois, du haut de mes 8 ans aux portes ouvertes de l’école de musique de notre ville. On avait la possibilité d’essayer les instruments avant de se décider pour l’enseignement de l’un d’entre eux. J’étais déjà attirée par la flûte traversière, je n’ai jamais su pourquoi, mais c’est la 1ère classe où j’ai demandé à aller. Elle brillait de mille feux et envoyait un son tellement pur et doux, ce sont mes yeux qui ont commencé à briller pour le coup. Et puis je l’ai tenue, le prof m’a montré la base : déposer mes lèvres sur le bec de façon à émettre un son. Et je suis rentrée à la maison en annonçant que je voulais être une petite flûtiste.
J’avais déjà fait une année de ce qu’on appelle la méthode Orff, dont le but est en gros, faire découvrir à l’enfant ses facultés musicales, la création, l’improvisation, le rythme. J’assommais les copains avec mes baguettes de xylophone, tapais sur les cymbales comme si j’avais utilisé 2 couvercles de cuisine et le triangle était top sauf que le rythme n’a jamais été mon fort mais maintenant encore, du coup, je frappais dessus, fièrement…. avec une mesure de retard… et puis d’avance, histoire de me rattraper le coup suivant :-p
Et puis l’année suivante, j’ai donc commencé les cours de flûte, le solfège et le chant. Au début, nos 1ères flûtes ont des petits capuchons en plastique qui servent à boucher les trous, pour compléter le travail des petits doigts qui souvent n’arrivent pas à aller assez loin pour bien fermer le trou et du coup, évidemment la note est catastrophique. J’ai appris la respiration ventrale et puis les capuchons se sont retirés au fur et à mesure que je pouvais positionner mieux mes doigts, qui sont d’ailleurs déformés, ceux de la main droite. Ils partent vers la droite comme le suppose la position. Chaque année, on avait des examens pour passer au niveau supérieur. J’étais plus morte que vive, de me voir jouer avec le piano, avec qui je n’étais jamais d’accord, vu le super rythme que je n’avais pas en moi. Par contre, j’avais mes doigts qui couraient vite sur les touches, une jolie vélocité qui compensait un peu et au fil des années, il a fallu commencer à jouer les partitions par coeur et là, j’ai découvert la liberté d’exprimer les notes que je ne lisais plus. Et puis j’ai changé de prof aussi peu de temps après, elle m’a aidée à lâcher tout ce que j’avais en moi, à faire traverser tout ce que j’avais à travers ce tuyau qui ne faisait désormais plus qu’un avec moi. Je jouais timidement, du coup mon souffle était souvent coupé, elle m’a appris à avoir confiance davantage en moi et à ne pas avoir peur de jouer fort, à mettre des nuances, à ressentir les choses. Je suis restée 9 ans dans cette école, gravissant les niveaux. J’ai arrêté l’année avant où certains vont ensuite au conservatoire parce que pour l’école, c’est 10 ans. Ce n’était pas mon objectif déjà et puis je n’aurais pas eu le niveau. Et c’est la période où je suis aussi tombée dans l’anorexie, j’avais du mal à concilier mon BEP à l’époque et la dernière année, j’y passais 4 soirées par semaine, entre les cours de flûte, le solfège, le chant et le petit orchestre dont je faisais partie. On commençait à faire des drôles de sons avec nos flûtes, les compositeurs contemporains nous faisaient faire de drôles de choses et moi mon style, c’était plutôt le baroque, Vivaldi étant le compositeur que j’ai toujours affectionné davantage. Alors je suis partie, riche de toutes ces années passées…. et je crois que c’est là que j’ai pris le plaisir de jouer bizarrement. J’interprétais le morceau comme je le souhaitais, n’avais plus de pression et je me suis comme libérée. J’ai remis dans ma ptite tête tous les conseils donnés par la prof qui avait éveillé en moi des choses que je ne soupçonnais pas et je laissais tout sortir comme je le souhaitais.
Il n’y avait que nous qui existions. Moi et ma flûte. Plus je jouais, plus elle se réchauffait de mon air, plus elle prenait de la chaleur, plus le son était lui aussi plein de chaleur au milieu de la douceur. J’y mettais ma vie, de mon oxygène dans ce tube aux touches brillantes de 1000 feux, c’est comme si elle vibrait en elle et en moi, dans mon corps. Le coeur qui s’emballe, le ventre qui se gonfle, le diaphragme qui s’ouvre, le plexus qui s’élargit pour laisser la place aux poumons de prendre à leur tour de l’air et d’un coup, tout cet air emmagasiné est envoyé et les doigts courent sur les touches, avec délicatesse et cette douceur que je voulais tant conserver malgré les mouvements plus rapides, je ne voulais pas la brusquer, sinon je l’aurais ressenti moi aussi dans mon propre corps. Jouer un mouvement rapide justement, ne pas se mettre de pression si les doigts s’emmêlent les pédales, on peut recommencer encore et encore. C’est çà de toute façon, jouer d’un instrument, ne pas avoir peur de répéter sans arrêt les mêmes fragments de phrases qui sont plus compliqués à jouer, comme une gymnaste qui répète les mêmes sauts jusqu’à y arriver. Plus on travaille, plus on y arrive et d’un coup, cette fameuse phrase sort comme si de rien n’était. Arriver au bout et ressentir cette paix en soi, comme la libération d’endorphines. Elle était ma drogue, j’avais besoin d’elle pour me sentir en vie, pour oublier. Durant l’anorexie, j’étais plus fatiguée de souffler dedans, mais je n’ai jamais joué autant. Je me sentais mourir par moments et la chaleur que je dégageais en elle me rappelait que j’étais toujours en vie et qu’elle ne m’abandonnait pas.
Et puis, un jour, je n’ai plus réussi à la tenir, parce que mon bras n’arrivais plus à se mettre correctement où il devait arriver. Et elle est devenue lourde à porter. Et pire, mes doigts de la main droite ne pouvaient plus courir sur les touches… C’était il y a 8 ans… 8 ans qu’elle me manque, que je me sens vide sans elle, que je ne la réchauffe plus en la prenant dans mes bras. C’est comme si on m’avait enlevé une partie de moi-même, vue que je ne faisais qu’une avec elle, il manque un bout à mon corps. J’y pense souvent et quand j’entends quelqu’un en jouer, mon cerveau se souvient de ce que je ressentais, j’imagine le doigté et visuellement je joue, positionne ma bouche et souffle. Dans mes pensées. Dans mes rêves.
J’ai toujours admiré les personnes qui étaient passionnées par quelque chose, c’est en terminant un livre dont je parlerai, que je m’en suis fait encore une fois la réflexion. Mais je me rends compte que moi-même j’étais une de ces passionnées. Elle a été ma passion durant les 20 années que j’ai réussi à en jouer et elle est restée gravée en moi.
La morale étant de profiter de vos passions, de ce qui vous fait vibrer au plus profond de votre être, parce qu’on peut vite perdre l’usage de quelque chose qui nous empêche d’en profiter encore… Vivez les pleinement….
Depuis mes 8 ans, j’ai eu un grand Maître à mes côtés (enfin par la pensée du moins ^^ je n’ai malheureusement jamais eu l’occasion de le voir en concert), Jean-Pierre Rampal, le plus grand flûtiste français qui a marqué ses élèves, dont Emmanuel Pahud dont on entend souvent parler si on aime la musique classique, parce qu’il a repris le flambeau de son Maître, celui qui l’a guidé pour être le soliste reconnu qu’il est devenu. Rampal avait cette douceur qui me faisait vibrer autant, on n’entendait jamais qu’il attaquait les notes, tellement c’était subtil et léger. Il avait un son cristallin et pur qui le rendait unique. Du coup, avec mon papa, quand on écoute de la musique ensemble et qu’il y a une flûte, on se regarde et on donnerait nos mains à couper que c’est « notre Jean-Pierre » comme on l’appelle, qui passe à la radio. Cà fait 15 ans aujourd’hui qu’il est mort… J’espère qu’il continue à jouer parmi les anges…
Je vous laisse en musique…
Coucou ma belle, j’espère te retrouver bien vite et papoter avec toi… Pourquoi pas pour un apéro^^ Je t’embrasse ❤
Merci ma belle ❤ tu as vu, dès que je sais qu'il y a un apéro avec des personnes chouettes, je ramène ma fraise, l'alcoolo de service revient ^^ de gs bisous
Si tu aimes Rampal, il y a beaucoup de très belles pièces pour harpe et flute 😊 Et je comprends tout à fait ton ressenti, etant harpiste. Pour ma part j’ai fait un arret de 4 ans suite à un évenement très douloureux dans ma vie qui m’a pour ainsi dire « éteinte » et la reprise a été extremement difficile… je la ressens comme une étrangere, ou plutôt non… une amie que j’aurais trahie. C’est bizarre à comprendre pour ceux qui n’ont pas cet amour d’un instrument, mais quand je la regarde c’est comme si elle m’en voulait (alors que bien sûr c’est moi qui m’en veut). Les instruments sont vraiment un membre de notre corps, mais aussi le miroir de nos coeurs ! Gros bisous et courage si ça va pas fort, reviens quand tu peux !
Merci pour ton commentaire ❤ je te comprends quand tu dis que tu te sentais éteinte, il y a des moments où je soufflais dans ma flûte et tout ce qui en sortait ne valait pas un clou, parce que j'étais moi-même pas en forme et c'est comme si elle le ressentait (dis comme çà, c'est un peu bizarre). Je comprends aussi pour la "trahison", la mienne me fait la tête, j'ai toujours l'impression qu'elle me regarde en m'en voulant aussi, l'air de dire "tu ne veux plus de moi ? tu ne m'aimes plus, qu'est ce que j'ai fait ?" J'aime beaucoup "le miroir de nos coeurs", c'est exactement çà oui. J'espère qu'un jour tu arriveras de nouveau à faire danser tes doigts sur les cordes. C'est beau la harpe, j'ai un cd de Mozart où Rampal joue avec Lily Laskine, ils forment un très beau duo et j'aimais bien ce qu'elle dégageait, elle aussi. Autrement, je ne comptais pas trop, mais regarderai. Courage à toi aussi, profite bien du w-e, j'espère… gs bisous
C’est un texte magnifique. Je n’ose imaginer la douleur que tu dois ressentir de ne plus pouvoir toucher cet instrument qui fait partie intégrante de ta vie. Je crois qu’il faut toujours aller au bout de sa passion. Ton témoignage est bouleversant. Mes pensées t’accompagnent ma belle. Prends soin de toi et reviens nous vite.
Grosses bises de nous deux.
Merci ma Marie ❤ C'est un manque oui. Un manque affectif même, c'est dire… et puis c'est frustrant de la voir et ne pas arriver à en faire grand chose, même si j'ai prévu une vidéo asmr avec elle, je ne sais pas encore comment elle sortira, mais j'ai envie de la mettre au 1er plan en tout cas. Je pense aussi à toi et ptit escargot, prenez soin de vous et profitez à fond du w-e. Plein de gs bisous ❤
quel bel article! émouvant, je peux comprendre ce manque ma delph…<3 j'aurai bcp aimé t'entendre flûter!