
Je me rends compte avoir très peu parlé de mes sombres périodes de dépression, en dehors de celles vécues depuis que ce petit blog vit en tout cas, mais il y en a eu de nombreuses auparavant. Des dépressions légères, des profondes, des courtes, des longues, des sans hospitalisation, des avec hospitalisation, des avec idées noires voire suicidaires, des juste beaucoup de larmes. Dans tous les cas, il m’a fallu une aide extérieure, parce que je n’étais pas assez forte émotionnellement pour gérer, même si j’ai mis du temps en parallèle à accepter le mot dépression et ses conséquences sur mon esprit mais aussi sur mon corps. On oublie souvent que les deux fonctionnent ensemble. Si on ne soigne pas le corps, l’esprit va mal. Si on ne guérit pas l’esprit, le corps envoie des signaux de détresse en mode « oh qu’est ce qu’il devient Monsieur Cerveau, il ne semble pas aller super bien et je vais montrer que je suis solidaire, paf prends toi ça, tu t’occuperas peut-être mieux de nous 2 si on s’y met ensemble ! »
La première période date de mes 19 ans. J’étais tombée dans la boulimie, mon corps en manque se rebellait et me faisait avaler tout ce que mes mains trouvaient sur leur passage. Du sucre, du gras, tout ce que je m’interdisais durant la restriction. Le trouble borderline était à son apogée, mon visage et mon corps n’étaient qu’hématomes et trainées de sang sur mes poignets. Je prenais en plus un neuroleptique qui me faisait prendre du poids. En un mois, j’avais pris 5 kgs, on m’a réhospitalisée en urgence pour changer mon traitement. Je n’arriverais pas à savoir si c’était déjà la dépression qui faisait son bonhomme de chemin ou si c’était la dénutrition et le trouble qui entraînaient de telles conséquences psychologiques. J’ai été encore plus fragilisée par cette période de plusieurs mois dans tous les cas. Ce qui m’a « aidée » à aller mieux est que mon cerveau a choisi la route inverse de nouveau, l’anorexie et son contrôle. Mais c’était la 1ère fois où je sentais cette immense tristesse en moi, ce vide alors que je remplissais mon estomac à en vomir. L’envie de rien, juste bouffer comme une merde et un porc. A ce moment là je tenais un cahier avec le nombre de calories ingérées, le sport que je faisais pour me dépenser, le nombre de laxatifs ingurgités. Je ne compte pas le nombre de dessins de moi toute ronde que je faisais, avec des mots loin d’être bienveillants envers celle que j’étais. Une fois l’anorexie revenue, je me sentais mieux… ce n’était qu’un leurre bien évidemment…
J’ai eu d’autres périodes similaires où j’arrivais à dire que je n’étais plus pareille, mais bien incapable de mettre des mots dessus.
Et puis il y a eu septembre 2007, où la dépression profonde a fait son apparition. J’étais une loque, je peinais à me lever le matin, me réfugiais dans le sommeil autant que je pouvais, et puis il a fallu que je remplisse un jour des documents administratifs parce que la sécurité sociale était en train de faire les démarches pour me mettre en invalidité. Tout devait se faire dans l’urgence parce que je m’y étais prise trop tard évidemment. Je me vois encore avec tous mes papiers de toutes sortes éparpillés sur ma table et les formulaires à remplir. Je pleurais dessus en m’apercevant ne plus réussir à compléter la partie d’état civil. En gros il fallait que je réfléchisse à comment je m’appelais et que je trouve la force de tout inscrire dans leurs cases. Depuis un moment je conservais tout mon traitement -que je ne prenais donc plus…- (pour rappel, ne jamais arrêter un médicament et encore moins plusieurs à la fois, seule, sans l’accord du médecin, c’est très dangereux), me suis retrouvée en décompensation psychique et j’admirais mon sachet rempli de pilules de toutes les couleurs. C’était ma sécurité d’être libre si je ne supportais plus ce vacarme dans ma tête, de tout avaler. Le sachet grossissait pendant que je maigrissais et n’étais plus que l’ombre de moi-même, à me foutre de tout, à avoir la sensation que je ne ressentais plus rien et paradoxalement à avoir l’impression que j’étais à fleur de peau et que tout me touchait. J’étais morte tout en étant vivante, même si prendre de l’air oppressait ma poitrine, parce que je souffrais de grosses crises d’angoisse qui laissaient un énorme poids sur mes côtes et arrachaient le plexus en passant. Je me regardais dans le miroir et me demandais qui était cette étrangère que j’avais devant moi. J’ai appris plus tard qu’il s’agissait de dépersonnalisation et de déréalisation. J’étais paniquée d’être devenue une incapable pour les choses banales du quotidien. C’est là que j’ai compris le calvaire d’une de mes compagnes de chambre dans la clinique où j’avais été quelques années auparavant. Elle dormait toute la journée, ne parlait que par bribes, pleurait, ne se lavait plus. Pendant ma propre période de descente en enfer, j’ai essayé de me souvenir ce qu’il ne fallait pas que je fasse, en gros. Je n’ai jamais arrêté de me doucher. Chaque douche était une victoire contre la maladie et sans doute un mieux-être pour moi même si je ne percevais plus rien de ce qui pouvait me faire du bien. J’ai toujours eu des vêtements propres sur moi aussi, je ne suis jamais restée en pyjama toute une journée, je savais que ça pourrait empirer les choses. Mais le reste, je n’avais aucun pouvoir. Je n’étais plus rien, j’avais un trou béant dans le coeur, au point de me demander si j’avais toujours de l’amour pour mes proches et me sentais monstrueuse de penser de telles choses. J’étais vide de toute substance, une ombre qui se traînait d’un coin à l’autre de son appart, à essayer de garder un contact avec les autres, même si je le perdais. Chaque geste m’épuisait et me laissait vide de tout ce qui faisait « moi » encore 2 mois auparavant. Je n’étais plus rien, à part une merde, un morceau de viande sans âme. Un corps rattaché à une tête par un fil tellement infime que plus aucun courant ne passait entre eux pour communiquer ensemble. Chaque partie de mon corps et de ma tête faisait sa vie dans son coin et j’étais au milieu, l’âme en peine, les yeux avec des larmes en continu. Le silence quand on me posait une question ou qu’on se trouvait en face de moi. Plus aucune capacité d’analyse, de compréhension et puis j’étais lasse de toute façon, il fallait juste me laisser tranquille. Qu’on me foute surtout la paix, c’était ma seule volonté s’il fallait en avoir au moins une, à ce moment là. La décision d’hospitalisation a été faite à la demande d’une tièrce personne, le médecin. Elle aura lutté contre moi pendant plusieurs séances pour m’expliquer que je ne pouvais pas rester comme ça. Je ne voulais pas, on va à l’hôpital quand on est malade et autant j’avais accepté que l’anorexie était une pathologie, autant la dépression me laissait de marbre, on me triturait chaque parcelle de mon esprit, mais sinon tout allait formidablement bien. Un soir, que mon meilleur ami de l’époque était venu, j’ai craqué, un sursaut de vie m’a habité un très court instant, mais assez pour récupérer mon sachet rempli de médicaments et lui donner en pleurs, en lui expliquant qu’il ne fallait pas me laisser avec. Il n’a jamais jugé, il n’était pas du genre à le faire de toute façon, aussi compliquées que pouvaient être les situations avec moi… 1 semaine après j’étais hospitalisée, chaque jour on me faisait couler une perfusion de valium assez fort en dosage mais pas trop pour que je puisse bouger encore et ça m’allait. Je dormais enfin et m’en donnais le droit et faisais des activités toutes les après-midi, je voyais une psychologue plusieurs fois dans la semaine. Au bout de 2 semaines, j’étais déjà plus reposée, ça n’avait pas arrangé le côté dépression, mais j’étais plus objective sur le sujet au moins.
J’en aurais d’autres des périodes comme ça, mais ce serait bien long et pas forcément utile. Mon message à travers ce post, est surtout de dire que peu importe la « gravité » d’une dépression, c’est important de demander de l’aide dès qu’on sent des symptômes qui pourraient y faire penser. Une dépression sèvère aurait pu être plus légère si par exemple une prise en charge avait eu lieu plus tôt. C’est pour ça que maintenant, j’essaie de le dire dès que je ressens que je pourrais me faire rattraper, parce que la dépression est quelque chose qui est devenu chronique avec le temps. Donc pour limiter les dégâts si déjà il faut qu’il y en ait, je n’ai plus honte depuis longtemps de dire « non ça ne va pas moralement, je n’arrive plus à « être » tout simplement. Prenez soin de vous et n’oubliez pas que demander de l’aide n’est pas une faiblesse, c’est au contraire une force. Avec l’automne, il y a toujours un risque plus grand aussi. Ce n’est pas à négliger non plus. Chaque personne se tournera vers ce qui sera le mieux adapté pour elle, mais l’essentiel est de le faire à temps.
J’ai toujours appelé la dépression, le cancer de l’âme, parce qu’elle grignote et pourrit aussi chacune de nos cellules et on peut parfois lutter, mais parfois on n’a pas le temps de dire ouf, qu’elle est déjà bien installée et plus on la laisse prendre ses aises, plus elle s’éparpille en nous et plus on met du temps à sortir du gouffre dans lequel elle nous plonge. Evitez les personnes aussi qui au lieu de vous aider, vous noient encore plus. « Quand on veut on peut » est une phrase stupide dans ce domaine. Quand on est happées dans ce tourbillon sans fin, on ne veut plus rien et on peut encore moins…
Et ne minimisez pas votre état. Il n’y a pas de petite souffrance, il y a des souffrances tout court… Parfois on a envie de relativiser sans doute, en se disant que ce n’est pas grand chose et c’est pourtant ce qui peut conduire à la perte de sa vie quand on la laisse s’enliser en nous, sans plus pouvoir faire grand chose pour s’en débarrasser.
A Pierre… 13 ans fin août qu’il s’est suicidé durant une période dépressive (il était bipolaire). Je n’ai rien pu faire pour l’aider. Même les médecins l’ont vu s’éteindre. Il ne parlait plus, ne souriait plus, son regard devenait mortel de jour en jour. Ils l’ont laissé sortir, il avait sans doute donné le change quelques jours. Il s’est tiré une balle dans cette tête qui l’avait tant étouffé… Je ne l’oublie pas, il a été mon pilier dans la clinique où j’ai été envoyée pour la 1ère fois à Marseille et était devenu un ami au fil du temps.
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Des bisous ❤
Juste un message pour te dire que je t’aime ma Delphine et que tu peux être fière d’être qui tu es après avoir surmonté tout ça. Gros bisous
Merci ma belle, je t’aime aussi et j’espère avoir la chance de te rencontrer avec tes loulous un jour ❤ merci d'être là, j'espère que tu te sens un peu mieux de ton côté, je pense à toi. Gs bisous
Coucou ma Delphine ! Après 18 jours de règles, je me sens vidée au sens littéral. Il paraît que c’est la préménopause 🙂 Quel vilain mot ! J’espère que le mois prochain je ne revivrai pas ça ! Moi aussi j’espère pouvoir te rencontrer. J’en ai la ferme intention. Quand tu seras bien installée avec ton chéri et que mes loulous auront un peu grandi, on arrivera sûrement à planifier des vacances pas trop loin de chez toi. Gros gros bisous
Coucou,
J’ai lu intégralement ton témoignage et il était poignant de vérité, d’authenticité. C’est cru mais c’est vrai, et ça fait du bien d’en parler sans tabou. Oui, la dépression est une maladie (j’aime beaucoup le terme « cancer de l’âme » d’ailleurs) et la maladie ne nous définit pas. On n’est pas sa maladie. Demander de l’aide surtout dans ce genre de période peut être fastidieux car il y a la fatigue, il y a la honte aussi. Mais des gens bienveillants sont présents pour accompagner ces périodes difficiles et tu as su te saisir de ça.
Bravo pour ton parcours ! Il est inspirant !
Belle continuation !
Line de https://la-parenthese-psy.com/
Coucou Line, merci pour ton commentaire 🙂 c’est important aussi d’avoir un regard professionnel sur ce que j’écris. J’ai toujours peur de dire des bêtises quand il s’agit de parler de ce genre de problème ou de psy en général. Je suis assez crue habituellement oui, quand il s’agit de ces sujets sensibles et douloureux, sans doute pour essayer de mettre des mots dessus, à la même intensité de ce que j’ai pu ressentir. Ce n’est pas toujours simple de verbaliser les maux de l’âme. Je suis entourée de moins de monde mais j’ai toujours eu des mains tendues et le virtuel et les personnes présentes à chaque fois derrière leur écran m’a souvent été d’un plus grand soutien. J’ai laissé derrière moi, les personnes qui ne voyaient plus que la maladie en moi et qui me faisaient oublier comme tu le dis si bien, que la maladie ne me définissait pas, parce que ça peut vite devenir néfaste, j’ai eu quelques mésaventures. A bientôt par ici ou sur ton blog 🙂 Bises
Je suis là derrière mon écran les larmes aux yeux (c’est ça d’être trop sensible!) et je me dis quel courage! quelle force! quelle belle personne tu es (tu vas me dire je savais déjà tout ça mais à travers ce témoignage que tu nous livres ici on le ressent puissance mille!)
Je suis tellement heureuse que tu sois là, après tout ça, vivante, même si les douleurs physiques, morales sont toujours là quelque part. Je suis heureuse que tu sois heureuse aussi.
Merci. Du fond du coeur.
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Ici on t’aime fort et on t’envoie tout plein d’amour ma jolie.
Ma Marie ❤ C'est aussi tout ça que j'ai ressenti en lisant ton manuscrit, tu sais. Même si je savais pourtant bien des choses, ce que j'ai appris n'a fait que renforcer ce que je pensais déjà de celle que tu es et pareil, je suis heureuse que tu sois heureuse et j'ai parlé de toi à J. à qui j'ai dit que c'était ton histoire qui m'avait donné espoir que l'amour pouvait être encore là, derrière la souffrance du passé. Je vous aime fort tous les 2, j'espère te revoir, avec mon ptit Arlo ❤ gs bisous à tous les 2, plein de pensées
Merci pour ton témoignage. Encore une fois sans tabou, libre et forte… C’est aussi un message d’espoir que tu envoies. Bisous…
Merci ma belle, si ça peut apporter un peu d’espoir, j’en suis heureuse alors ❤ gs bisous
Ca me touche de tire autant de sincérité, d’envie de vivre et d’offrir en partage aux autres. Merci Delphine.
Ca a toujours été important oui de partager, toujours avec l’espoir qu’on puisse s’y retrouver; se sentir moins seule ou juste mieux comprendre. De gs bisous ❤
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